Les
difficultés d’intégration de la communauté
noire américaine pendant la Seconde Guerre mondiale
La Seconde Guerre mondiale contribue à
l’amélioration du sort des Noirs dans la société
américaine {2}. Cela lui vaut d’ailleurs
aux États-Unis l’étiquette de « bonne
guerre », un conflit mené au nom de principes nobles,
qui apporte la prospérité sur le front intérieur
et qui permet une meilleure intégration des minorités.
Cette image est remise en cause depuis les années 1980.
Hélène Harter
Publié le 24 juillet 2006
Un certain nombre de chercheurs comme John Jeffries, John Blum
et Studs Terkel démontrent que l’assimilation entre
la Seconde Guerre mondiale et la « bonne guerre » relève
d’une nostalgie sélective. Après
la guerre froide, le conflit vietnamien et la crise du Watergate,
la première décennie des années quarante paraît
par contraste comme une époque de consensus et d’unité
nationale {3}. Cela ne veut pas dire pour autant
que la situation soit idyllique, notamment pour les minorités.
La ségrégation demeure une réalité dans
le Sud. Même la défense civile n’y échappe
pas. Par exemple, à Charlotte, en Caroline du Nord, le conseil
de la défense civile est présidé par les autorités
blanches de la ville et ses différents services sont dédoublés
selon des critères raciaux : une défense passive réservée
aux Blancs, une pour les Noirs, et ainsi de suite pour chaque composante
de la défense civile. Blancs et Noirs ne
se mélangent pas. On va même jusqu’à construire
des abris antiaériens séparés {4}.
La guerre ne modifie pas les clivages d’une société
bi-raciale.
Des mesures diversement appliquées

Quant aux mesures destinées à améliorer l’intégration
des Noirs, elles ont du mal à être appliquées.
C’est le cas de l’ordre exécutif présidentiel
du 25 juin 1941 qui interdit la discrimination raciale à
l’entrée dans l’armée et dans les entreprise
travaillant pour la défense. Entre 1942 et 1944, le nombre
de Noirs employés dans les industries de guerre augmente
d’un tiers. Cependant, tous les emplois ne s’ouvrent
pas aux Noirs. Le Fair Employment Practices Committee
(FEPC) (Comité pour l’égalité des chances
dans l’emploi) mis en place par l’Administration fédérale
pour remédier aux cas de discriminations dispose de peu
de pouvoir. De plus, quand des Noirs sont embauchés, ils
sont généralement cantonnés aux emplois les
plus mal rémunérés. On les recrute davantage
dans les chantiers navals que dans l’aéronautique
qui paye mieux. Sur les 79 000 Noirs qui travaillent à
Dallas, Fort Worth (Texas) et Atlanta, à peine 4 500 sont
employés dans des usines qui produisent des avions. Ces
rares ouvriers noirs sont généralement mal acceptés
par leurs collègues blancs. Le représentant syndical
des machinistes d’Aeronautical Mechanics explique qu’«
on a demandé aux syndicats de faire beaucoup de sacrifices
pour la défense, et qu’ils les ont faits de bon cœur,
mais là c’est trop demander ». D’ailleurs,
quand le fabricant de moteurs de bombardiers Packard décide
de promouvoir en juin 1943 trois ouvriers noirs, 3 000 ouvriers
blancs se mettent en grève. Lorsque l’Alabama
Dry Dock and Shipbuilding Company de Mobile prend une décision
similaire, cela dégénère en émeutes
à la fin du mois de mai 1943 {5}. Les
difficultés ne se limitent pas au Sud. Dans l’État
de New York, le vote de la loi Ives-Quinn sur la lutte contre
les discriminations dans le monde du travail est l’objet
d’une lutte âpre entre libéraux et conservateurs
entre 1941 et 1945 {6}.
La vie quotidienne reste difficile
La moitié des familles noires de Detroit vit dans des logements
qui ne respectent pas les normes d’hygiène et/ou d’équipements.
A Dallas, on atteint les 83,5%. De très nombreux noirs américains
vivent alors dans l’insalubrité et la promiscuité.
La densité des quartiers noirs est très forte. South
Side à Chicago abrite 300 000 Noirs alors qu’on estime
que seulement 225 000 personnes devraient y vivre pour pouvoir disposer
de suffisamment d’espace. Trop peu de logements sont construits
pour les migrants noirs durant la guerre. À Los Angeles,
on en dénombre à peine 4 000. Des efforts ont été
faits par le gouvernement fédéral pour améliorer
le logement des travailleurs de la défense. Il
réalise environ 805 000 logements entre juillet 1940 et janvier
1945, ce qui équivaut à 84% des logements construits
par le secteur privé. C’est beaucoup dans un pays qui
plébiscite l’initiative privée et considère
que l’interventionnisme de l’État doit être
limité au maximum {7}. Les lois fédérales
prévoient que ces logements soient alloués sans considération
raciale, mais, les choses se passent différemment sur le
terrain. Dans le Nord, on note de nombreuses pratiques discriminatoires.
Par exemple, à Detroit, en février 1942, des Blancs
s’opposent par la violence à l’installation de
Noirs dans l’ensemble résidentiel Sojourner Truth
Homes qui a été pourtant construit à leur
intention. L’Ouest, réputé plus acceuillant,
n’est guère prêt non plus à la mixité
raciale. Le lotissement d’Henderson dans le Nevada a ainsi
un quartier réservé aux Noirs. Dans le Sud, la situation
est pire puisque la ségrégation est légale.
C’est le cas à Dallas. Sous la pression du gouvernement
fédéral, des logements sont construits en priorité
pour les familles noires (Roseland Homes) et mexicaines (Little
Mexico Village). Aucun Blanc ne s’y installe. De leurs côtés,
certains Noirs, en quête d’une meilleure, décident
de s’installer dans les quartiers sud de la ville jusque-là
implicitement réservés aux Blancs.
C’est un échec. Entre septembre 1940 et avril 1941,
13 maisons nouvellement occupées par des Noirs sont victimes
d’attentats à la bombe. Le maire Rodgers rend les victimes
noires responsables de cette situation parce qu’elles empiètent
sur le territoire de la communauté blanche. Il décide
à la suite de ces incidents de pratiquer un zonage racial
dans la ville « dans l’intérêt de tous
les citoyens de Dallas ». Certains quartiers situés
au nord et au sud de la ville sont désormais réservés
légalement aux Blancs {8}.
L’accueil réservé aux migrants n’est dans
l’ensemble guère chaleureux. Un nouveau
venu à Detroit raconte qu’il a trouvé «
une ville froide, une ville sans cœur et sans âme ».
C’est aussi le constat que font les personnages du roman d’Harriette
Arnow, The Dollmaker, après avoir quitté
le Kentucky pour la capitale de l’industrie automobile {9}.
L’hostilité touche les migrants les plus démunis
mais aussi ceux qui perçoivent de bons salaires et suscitent
l’envie chez les populations installées depuis plusieurs
années. Dans de nombreuses communautés, les Blancs
ont du mal à accepter l’idée qu’un Noir
qui travaille pour le programme de défense puisse être
mieux payé qu’eux. Les anciens expriment souvent le
sentiment que la vie était bien plus agréable avant
leur arrivée. Un habitant du comté de Willow Run,
près de Detroit, affirme qu’« avant que l’usine
de bombardiers soit construite, tout était parfait ici. Tout
le monde se connaissait et était heureux et satisfait. Puis
est venu avec cette usine un flot de racailles, la plupart originaires
du Sud. On ne peut pas être sûr de ces gens-là
». Les nouveaux venus sont assimilés aux maux qui frappent
les villes : des services de moindre qualité en raison d’un
afflux incontrôlé de population, des réserves
d’eau épuisées par des pompages très
importants, des rivières polluées par des eaux usées
dont le volume ne cesse d’augmenter. On les accuse aussi de
faire baisser la valeur foncière des propriétés
et de contribuer à la hausse de la criminalité et
à la propagation des maladies vénériennes.
Les citadins craignent en outre que ces nouveaux
venus troublent les équilibres. Dans le Sud, les populations
blanches qui contrôlent la vie économique et politique
locale craignent que l’arrivée de nouveaux Noirs en
ville les rendent encore plus démographiquement minoritaires.
À Oakland, en Californie, les républicains au pouvoir
s’inquiètent de ces migrants originaires du Sud qui
votent majoritairement démocrates {10}.
Ces nouveaux venus sont perçus comme des étrangers
inassimilables à la communauté, qu’elle soit
une petite ville ou une métropole. Un habitant de Detroit
décrit ainsi le migrant originaire du Sud :
« Il est sale, négligé et grégaire. Il
se nourrit de biscuits et de haricots, n’achète jamais
plus que le nécessaire pour vivre, économise son argent
et est illettré. C’est un péquenaud »
{11}. Quand de plus il est Noir, l’hostilité
est à son comble. Comme le résume bien la journaliste
Agnes Meyer, « Pascagoula est la seule ville,
au Nord comme au Sud, où j’ai trouvé des responsables
municipaux, des travailleurs sociaux et des citadins qui travaillent
non seulement à satisfaire mais aussi à anticiper
les besoins de la population noire » {12}.
La persistance des violences racistes
La cohabitation entre Blancs et Noirs est souvent
difficile. A tel point qu’on dénombre 250 incidents
raciaux dans 47 villes pendant l’été 1943. Les
grandes villes comme Detroit et New York sont touchées mais
aussi de plus petites communautés comme Beaumont (Texas)
{13}. Ce n’est pas la première fois
que de tels événements surviennent aux États-Unis.
New York connaît deux grandes émeutes
en 1863 et 1906. Vingt-deux émeutes raciales endeuillent
en outre le pays entre 1915 et 1919. Celle d’East Saint Louis
(Illinois) fait entre 250 et 400 morts dans la communauté
noire en juillet 1917. L’été 1919 est si violent
qu’on parle d’un « été rouge ».
Ces émeutes sont provoquées par le Ku Klux Klan qui
marque ainsi son hostilité à la migration des Noirs
vers les villes du Nord {14}. Les choses changent
avec les émeutes de Harlem de 1935. Alors que jusque-là
les Noirs étaient les victimes des violences, désormais
ils sont soit à l’origine des violences contre les
Blancs, soit ils osent répliquer à leurs agresseurs
blancs. C’est le cas à Detroit pendant l’été
1943. La ville vit entre le 20 et le 22 juin la pire des émeutes
raciales de la Seconde Guerre mondiale. La situation dégénère
à la suite d’un banal accident de voiture sur le pont
de Belle Isle Park, à proximité du ghetto noir de
Paradise Valley. La violence se déchaîne dans les deux
camps, attisée par la rumeur. Dans la communauté noire,
on raconte que des marins blancs ont jeté à l’eau
une femme noire et son bébé. Chez les Blancs, on est
persuadé que des Noirs ont tué une petite fille blanche
dans le parc. Au terme de 30 heures d’émeutes, on déplore
25 morts au sein de la communauté noire, 9 décès
chez les Blancs, 7500 blessés, majoritairement noirs, et
un millier de sans-abri. L’enquête menée par
le ministre de la Justice montre que cette émeute n’est
pas la conséquence d’une intervention étrangère
ou du Ku Klux Klan, mais le résultat des tensions accumulées
localement entre les deux communautés. Les Noirs supportent
de plus en plus difficilement la précarité de leurs
conditions de vie et de logement, les loyers élevés,
les discriminations dont ils sont victimes dans leur vie sociale
et professionnelle. De leur côté, les Blancs ont le
sentiment d’être marginalisés.
Detroit est la ville américaine où la population noire
augmente le plus en valeur absolue pendant la guerre. En 1945, l’agglomération
de Detroit compte 259 490 Noirs alors qu’ils n’étaient
que 170 552 en 1940. Pendant ce temps, la population
blanche voit ses effectifs diminuer de 2% {15}.
La communauté blanche admet aussi difficilement l’amélioration
de la condition économique des Noirs grâce au programme
de défense {16} alors qu’elle considère
souvent ces derniers comme des inférieurs.
Le 1er août 1943, New York est à son tour victime d’une
flambée de violence raciale. Les incidents débutent
à Harlem après qu’un soldat noir et un policier
blanc en sont venus aux mains. La rumeur se répand dans le
ghetto noir qu’un soldat noir a été attaqué
et tué par un policier blanc. Il n’en est rien mais
la population noire est prête à le croire après
avoir vu les images des violences subies par la communauté
noire de Detroit. Il faut dire aussi que dans les semaines précédentes
des événements similaires ont eu lieu à Alexandria
(Louisiane), Little Rock (Arkansas), Baltimore
ou encore Beaumont (Texas). Les Noirs de Harlem réagissent
par la violence, vandalisant et pillant les 1 500 commerces blancs
situés dans le Harlem noir, au nord de la 131e Rue. Les dégâts
se chiffrent à 5 millions de dollars. Six
Noirs perdent la vie dans cette émeute et 300 autres sont
blessés {17}. La guerre aggrave aussi les
tensions entre les Blancs et les Hispaniques comme en témoignent
les émeutes de Los Angeles de juin 1943 et les incidents
qui s’en suivent dans les quartiers mexicains de New York,
Detroit et Philadelphie {18}. La guerre exacerbe
les tensions raciales et ethniques pré-existantes.
Les incidents ont surtout lieu dans les villes qui accueillent en
très peu de mois des populations importantes appartenant
aux minorités. À l’inverse, les tensions ethniques
touchent peu les communautés à la croissance démographique
modérée. Dans les villes comme Boston et Milwaukee,
le recours à une main d’œuvre venant de régions
lointaines existe mais ce n’est pas la règle. Le recrutement
du personnel travaillant pour les industries de guerre se fait majoritairement
sur le bassin local d’emplois : des retraités, des
femmes, des jeunes, des Noirs qui jusque-là accédaient
peu aux emplois industriels. La guerre ne désorganise pas
en profondeur ces sociétés urbaines et par conséquent
ne crée pas des tensions raciales aussi fortes que celles
que vivent les war boom towns. New York constitue un contre-exemple.
L’émeute de 1943 s’y explique par les tensions
exacerbées depuis des décennies à Harlem.
L’action antiraciste des autorités
?

C'est notre guerre!
Conscientes de la mauvaise image que cela donne à un pays
qui se bat au nom de la liberté, et soucieuses de rétablir
la paix civile, les autorités locales ne restent pas inactives.
Elles sont très inégalement préparées
à ces problèmes. Quelques villes, telles Chicago,
Atlanta, Cincinnati, Cleveland et Boston, disposent déjà
de comités chargés des relations interraciales. Ils
ont souvent été créés pour répondre
aux émeutes qui ont secoué les quartiers noirs des
villes pendant la Première Guerre mondiale et les années
vingt. Même si tout n’est pas parfait, l’existence
de telles structures permet d’améliorer les relations
entre les groupes ethniques et raciaux et de limiter les problèmes.
C’est le cas à New York. On y déplore lors de
l’émeute du 1er août 1943 six morts et 300 blessés
alors que celle de Detroit du 22 juin 1943 fait 34 morts, 7500 blessés
et un millier de sans-abri. À la différence des élus
de Detroit, le maire de New York se rend rapidement sur les lieux
de l’émeute. Il est accompagné des leaders de
la communauté noire qu’il connaît personnellement.
La situation est aussi meilleure qu’à Detroit parce
que la ville fait depuis plusieurs années des efforts pour
améliorer l’intégration des Noirs. Certains
d’entre eux occupent même des postes à responsabilités
au sein de l’administration municipale. C’est le cas
du dirigeant syndicaliste Frank R. Crosswaith. Il est membre depuis
juin 1942 de l’agence municipale en charge du logement, la
New York City Housing Authority. On remarquera
d’ailleurs que le rétablissement de l’ordre est
assuré par la police locale, majoritairement blanche, mais
aussi par la police auxiliaire (Civilian Defense Auxiliary Police)
qui compte dans ses rangs de nombreux Noirs ; une situation rare
alors {19}.
L’émeute jugulée, les autorités new-yorkaises
décident de prendre des mesures pour éviter que de
tels incidents se reproduisent. Le maire diffuse à la radio
le programme Unity at Home – Victory Abroad qui prône
l’unité entre les différentes communautés
de la ville. Des personnalités en vue, tels Eleanor Roosevelt,
l’épouse du président américain, et le
poète noir Langston Hughes, viennent s’exprimer sur
les ondes. Plus concrètement, une annexe du Bureau fédéral
de l’administration des prix (Office of Price Administration)
est ouverte à Harlem. Elle a pour mission
de contrôler les hausses de prix, ces dernières étant
en partie à l’origine de l’émeute. Le
maire annonce aussi un plan pour développer les logements
publics dans les quartiers noirs de la ville {20}.
En parallèle, le département de l’éducation
lance dans trois écoles de Harlem un programme destiné
à améliorer le niveau de formation des jeunes Noirs.
De son côté, le chef de la police,
le commissaire Valentine, incite les Noirs à passer les examens
de la ville pour intégrer les forces de police. « Nous
avons besoin de davantage de gens de couleur », affirme-t-il
le 30 avril 1944. « Ils sont les bienvenus dans le département
de police » {21}. L’émeute
accélère l’intégration des Noirs au sein
des services municipaux. D’autres villes connaissent une évolution
similaire. C’est le cas de Norfolk (Virginie) qui intègre
son premier officier de police noir en 1945. Les émeutes
de 1943 incitent également un nombre croissant de villes
à se doter de comités municipaux chargés des
questions interraciales. Trois missions principales
leur incombent : faire en sorte que tous les habitants de la ville
bénéficient de l’égalité des chances
quelle que soit leur « race », éviter les troubles
interraciaux et intervenir au cas où ces tensions n’auraient
pas pu être empêchées. En août 1944, 31
villes disposent de telles structures. Il s’agit notamment
de Detroit, Passaic (New Jersey), Philadelphie, Saint Louis, Hartford
(Connecticut) et Baltimore {22}. La guerre ne
supprime pas les discriminations et la ségrégation,
mais elle conduit les responsables municipaux et fédéraux
à accorder un plus grand intérêt aux problèmes
de la communauté noire.
La résurgence du Ku Klux Klan
Cependant, une fois la guerre finie, il est souvent difficile pour
les Noirs de conserver les acquis obtenus pendant le conflit. Par
exemple, le passage d’une économie de guerre à
une économie de paix aboutit souvent à un recul de
l’emploi industriel chez les Noirs. La reconversion de l’appareil
de production passe par un licenciement des ouvriers et lorsque
les usines réouvrent, elles donnent la priorité au
recrutement des ouvriers blancs comme cela se faisait avant-guerre.
L’éradication des taudis, où s’entassent
de nombreuses familles noires, n’est plus non plus à
l’ordre du jour. On préfère donner la priorité
dans les villes aux grands chantiers de travaux publics. Le recul
est encore plus manifeste dans le Sud. Les soldats noirs démobilisés
ont du mal à retrouver une place dans une société
qui leur rappelle sans cesse leur infériorité et leur
refuse d’exercer leurs droits civiques bien qu’ils se
soient battus pour leur pays. La fin de la guerre
est d’ailleurs marquée par une résurgence du
Ku Klux Klan et des violences raciales tandis que les démocrates
du Sud (Dixiecrats) condamnent la politique de déségrégation
lancée par le président Harry Truman {23}.
À l’élection de 1948, ces derniers apportent
leurs voix à un troisième candidat, Strom Thurmond,
et sont à deux doigts de faire échouer la réélection
du président, pourtant démocrate comme eux. La question
raciale divise le parti démocrate comme elle divise le pays.
On ne revient pas cependant au statu quo d’avant guerre. La
guerre, et la mobilisation économique et patriotique qui
l’ont accompagnée, ont permis une amélioration
de la situation des Noirs, une meilleure prise en compte de leurs
difficultés et une intensification du mouvement en faveur
des droits des minorités, même si beaucoup de chemin
reste à parcourir jusqu’à la suppression de
la ségrégation et des discriminations dans les années
1960.
|1| Hélène Harter
: voir marge.
|2| Cf Harter (Hélène), « La Seconde Guerre mondiale, outil d’intégration pour les Noirs américains », site de l’Institut des diasporas noires francophones : http://www.idnf.org/
|3| Blum (John Morton), V Was
for Victory : Politics and American Culture during World War II,
New York, Harcourt Brace Jovanovich, Vintage Books, 1976. Goldfield
(David), Region, Race, and Cities. Interpreting the Urban South,
Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1997. Terkel (Studs),
« The Good War » : An Oral History of World War II,
New York, The New Press, 1997.
|4| Dew (Stephen Herman), The Queen City at War : Charlotte, North Carolina, During World War II, 1939-1945, New York, University Press of America, 2001, p. 74.
|5| Brandt (Nat), Harlem at War : The Black Experience in World War II, New York, Syracuse, Syracuse University Press, 1996, p. 74.
|6| Chen (Anthony S. Chen), “ The Hitlerian Rule of Quotas”: Racial Conservatism and the Politics of Fair Employment Legislation in New York State, 1941-1945”, The Journal of American History, mars 2006, vol. 92 n°4, p. 1238-1264.
|7| National Housing Agency, War Housing in the United States, avril 1945, p. 6.
|8| Fairbanks (Robert B.), « The Good Government Machine : The Citizens Charter Association and Dallas Politics, 1930-1960 » dans Essays on Sunbelt Cities and Recent Urban America, Fairbanks (Robert B.), Underwood (Kathleen) dir., College Station (Texas), A & M University Press, 1990, p. 133. Cette mesure est abrogée quand la Cour suprême déclare le zonage racial anticonstitutionnel.
|9| Jeffries (John W.), Wartime America : The World War II Home Front, Chicago, Ivan R. Dee Incorporated, Publisher, 1996, p. 83.
|10| Funigiello (Philip), The Challenge to Urban Liberalism : Federal-City Relations During the World War II, Knoxville, University of Tennessee Press, 1978, p. 34. Johnson (Marylinn S.), The Second Gold Rush : Oakland and the East Bay in World War II, Berkeley, University of California Press, 1994, p. 191-192
|11| Jeffries (John W.), op. cit., p. 83.
|12| Meyer (Agnes E.), Journey through Chaos, New York, Harcourt, Brace and Co., 1944, p. 201-202
|13| People’s Voice, août 1943, p. 7. « Race Riot Action Asked by President », New York Times, 21 juillet 1943, p. 1.
|14| Teaford (Jon C.), Cities of the Heartland : The Rise and Fall of the Industrial Midwest, Bloomington (Indiana), Indiana University Press, 1994, p. 192.
|15| « Tragedy in Detroit », New York Times, 22 juin 1943, p. 18. Houston (Herbert S.), « Detroit Riots, an Example », New York Times, 26 juin 1943, p. 12. Sitkoff (Harvard), « The Detroit Race Riot of 1943 », Michigan History, LIII, 1969.
|16| Cf Harter (Hélène), « La Seconde Guerre mondiale, outil d’intégration pour les Noirs américains », site de l’Institut des diasporas noires francophones : http://www.idnf.org/
|17| Hays (Arthur Garfield), «Riots in Harlem Analyzed », New York Times, 6 août 1943, p. 14. Porter (Russel B.) ; « Harlem Unrest Traced to Long-Standing Ills », New York Times, 8 août 1943, p. E10. Brandt (Nat), op. cit., p. 183-206.
|18| « Zoot-Suit Fighting Spreads on Coast », New York Times, 10 juin 1943, p. 23.
|19| « Mayor in Command of Harlem Forces », New York Times, 3 août 1943, p. 9.
|20| « The Week’s Radio Programs », New York Times, 23 août 1943, p. X8.
|21| « First Lady Appeals for Tolerance in City », New York Times, 16 août 1943, p. 19.
|22| « Valentine Wants More Negro Police », New York Times, 1er mai 1944, p. 23.
|23| « Municipal Interracial Councils », American City, août 1944, p. 74
|24| La déségrégation de l’armée commence en 1948.
Hélène Harter
 Hélène
Harter est maître de conférences en histoire contemporaine
et directeur-adjoint du Centre de recherches d’histoire nord-américaine
de l’université Paris I Panthéon Sorbonne.( CRHNA)
Elle a notamment publié:
L’Amérique
(Le Cavalier bleu, coll. « Idées reçues »,
2001),
La civilisation américaine en collaboration avec André
Kaspi, François Durpaire et Adrien Lherm (Paris, Presses
Universitaires de France, coll. « Quadrige », nouvelle
édition 2006) et
L’Amérique en guerre : Les villes pendant la Seconde
Guerre mondiale (Paris, Galaade Editions, 2006).
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