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Recherche
L’Institut des Diasporas Noires Francophones
est un pôle de recherche interdisciplinaire et interuniversitaire
consacré à l’histoire des diasporas caribéennes
et africaines francophones en France et en Amérique du Nord.
Au-delà d’un simple décalque des « minority
studies » à l’américaine, il se donne
pour objectif de faire l’histoire de ces présences
différentes en France. Cette exigence de la recherche historique,
qui va bien au-delà d’un devoir de mémoire,
est un enjeu essentiel de la période. L’un des premiers
chantiers est de pallier l’absence des études caribéennes
francophones. Il n’existe pas en France continentale de centre
de recherches sur les Caraïbes (ce que les Britanniques appellent
les « caribbean studies »).
Qu’entendons nous par « diasporas » ?
Si le prisme des « communautés », très
prisé des médias, ne nous semble pas en mesure d’appréhender
avec justesse les évolutions de la société
française, la notion de « diaspora » permet en
revanche d’enrichir la réflexion. Ce terme, étymologiquement,
désigne la dispersion d’un peuple à travers
le monde. Il ne s’agit cependant pas de repérer les
traces africaines chez les populations issues – de manière
plus ou moins lointaines – d’Afrique. Bien au contraire,
l’objectif est d’étudier dans sa diversité
les conditions de créolisation de ces populations. Dans cette
perspective, les notions de pureté, d’authenticité,
de permanence perdent leur signification, au profit de l’idée
de mobilité.
Quel sens donnons nous au terme « noir » ?
Même comme adjectif, il ne s’agit pas de réduire
des populations, à fortiori des individus, à un caractère
aussi peu pertinent que le taux de mélanine. Loin de toute
vision essentialiste, il s’agit de comprendre comment émerge
la conscience de couleur dans des sociétés à
majorité blanche. « Etre noir » est un fait social,
fruit d’un processus historique, qui n’a aucun sens
en Afrique, tout comme être blanc n’a aucun sens en
Europe. Mais si l’on ne naît pas noir, on peut le devenir
dans un contexte de minoration sociale. Au-delà des multiples
facteurs de différenciation entre Antillais, Africains, Réunionnais
adoptés par des parents blancs, etc. - face à la discrimination,
on est plus que Noir. Il ne s’agit en aucun cas d’entretenir
la confusion entre Caribéens et Africains mais bien de comprendre
en quoi la lutte contre les discriminations est la condition de
dépassement du Noir et du Blanc.
Enfin, la diaspora « francophone » désigne
ceux qui ont en partage cette langue, qu’ils l’utilisent
de manière continue ou ponctuellement.
Cette famille francophone porte en elle un formidable potentiel
humain, pour peu qu’elle s’appuie sur la diversité
qui la constitue. La vitalité du français en Amérique
du Nord est par exemple tout autant portée par le professeur
d’université sénégalais ou martiniquais
que par le chauffeur de taxi malien ou guinéen. La francophonie
est en dialogue constant avec les autres langues et notamment avec
les différents créoles.
Egalité-diversité
:
Pourquoi s’intéresser conjointement aux
Antillais et aux Africains francophones ? Y a-t-il plus en commun
entre ces deux populations que la couleur de la peau ? Loin de toute
vision racialisante et de toute idéologie panafricaine, l’IDNF interroge
la question de l’identité de manière ouverte. Un individu ne peut
se reconnaître membre d’un groupe que s’il ne s’en sent pas exclu.
A l’inverse, il peut se reconnaître membre du groupe pour lequel
il est exclu. C’est la question des discriminations raciales (je
suis noir parce que je suis exclu comme noir). Certains refusent
cette conscience de couleur qu’ils jugent appauvrissante, ne rendant
pas justice à leur particularisme culturel. Les associations où
se retrouvent aujourd’hui Antillais et Africains se définissent
à partir d’un centre fondateur. Ce centre est la perception de ce
qui différencie certains citoyens du reste de la communauté nationale
: la mémoire de l’esclavage - pour le Comité Marche du 23-Mai -,
l’origine domienne - pour le collectif DOM -, la couleur de peau
- pour le CRAN -, voire la colonisation - pour les Indigènes de
la République. Face à la variété de ces propositions identitaires,
qui ne s’excluent pas toujours les unes les autres, les individus
se choisissent et se définissent au grè de leur parcours de vie.
Tous ont en partage de devoir agir dans une France qui refuse la
diversité dont ils sont l’expression. Ces associations, parfois
concurrentes, pourraient prendre conscience qu'elles défendent
les mêmes populations, afin de bâtir ensemble un vaste
mouvement des droits civiques français. Au delà de
leurs différences, la demande d'égalité effective
est leur dénominateur commun : pour le passé, une
exigence d'histoire intégrant la pluralité des héritages
qui ont construit la nation ; pour le présent, la mise en
place de dispositifs mettant fin aux discriminations ; pour l'avenir,
la construction d'une France respectueuse des diversités
qui la constituent.
L’équipe de l’IDNF partage la conviction que le respect de la diversité
est une condition essentielle de l’unité et qu’il n’y a pas d’antinomie
entre les deux. Du Bois disait que le clivage de couleur serait
le problème majeur du XXe siècle. Avec la multiplication des échanges
humains, via les flux de migration, la question du XXIe siècle sera
celle de la conciliation entre le respect des particularismes des
groupes (ethniques, religieux etc.) et la protection des individus,
qui, dans leur singularité, sont libres de se choisir indépendamment
de ces mêmes groupes. De la résolution de cette apparent paradoxe
dépend l’unité à l’intérieur de chaque société.